L’émission Décodage, diffusée vendredi dernier par Horizon Press et animée par Samir Chaouki, directeur de publicatiion, a braqué les projecteurs sur un sujet qui ne manquera pas d’animer la scène politico-économique et sociale dans un avenir proche. Le nouveau modèle de développement a été le point d’orgue du discours royal à l’occasion de la rentrée parlementaire d’octobre 2017. Deux années sont passées, et l’on en est toujours aux prémices de ce qui doit être un projet de société. Pour approfondir le débat, Abdellatif Maazouz, ancien ministre istiqlalien, et Moncef Belkhayat, ancien ministre RNI, ont livré leur vision et celles de leurs partis respectifs sur le sujet.
Qu’est-ce qu’un modèle de développement?
Une définition s’impose. Qu’est-ce qu’un modèle de développement? Ouvrant le débat, Maazouz le décrit comme une vision déclinée en objectifs et choix à long terme, assorti d’un système de pilotage et de correction. Pour Belkhayat, la vision royale a permis d’aboutir à un développement rapide du pays durant les 20 dernières années, mais il n’en demeure pas moins qu’il faille de nouveaux plans d’action pour passer à la vitesse supérieure. Pour Maazouz, le pays est passé d’une période de réformes agressives, portées essentiellement par le roi (INDH, statut de la femme, Constitution de 2011), à une atonie incarnée par l’arrivée du PJD au pouvoir. Pour lui, la question du leadership politique est aujourd’hui posée. Dans la même veine, Belkhayat est nostalgique de l’époque où Driss Jettou dirigeait le gouvernement (2002-2007); le taux de croissance réel y était, comme il le dit, de 6 à 7%. Pour lui, il est impossible d’avoir un modèle de développement avec un taux de croissance de 2,7% que le pays réalise depuis 2012.
Le gouvernement PJD sur la sellette
Pourquoi cette dégringolade? Maazouz estime que, malgré l’existence de politiques sectorielles et sociales, l’absence de cohérence les voue à l’inefficacité. En atteste le taux d’investissement au Maroc de 34%, qui est parmi les plus élevés au monde mais qui n’a pas d’impact réel sur le niveau de développement escompté. L’on retrouve ce même type de contradiction entre la réalisation d’un développement humain assez respectable dans la région, basé sur la maîtrise des équilibres et de l’inflation mais, en même temps, remarque Belkhayat, on assiste à une faillite des services de base de l’État. «Les familles se saignent pour garantir un niveau minimum d’éducation et de santé à leurs enfants. Par conséquent, même si le revenu moyen a augmenté, le pouvoir d’achat des Marocains a baissé», a-t-il étayé. En d’autres termes, si l’État ne revient pas aux fondamentaux (éducation, santé, services de base), toute velléité ou cogitation sur un nouveau modèle sera vaine. Les deux intervenants sont d’accord sur le fait que la situation actuelle est le résultat d’une mauvaise gestion de la chose publique mais aussi d’une non-actualisation des indicateurs. «Le taux d’inflation doit être reconsidéré. Le panier de la ménagère doit inclure le téléphone, l’éducation, la santé…», a soutenu Maazouz. Les deux pensent qu’il faut arrêter les diagnostics que tout le monde connaît et entamer le travail.
Quelles nouvelles idées?
Oui, mais qu’ont apporté de nouveau les partis politiques, en termes d’idées? Pour l’Istiqlal, explique Maazouz, un document a été établi sur la base d’un recensement d’opinion auprès de la population. Parmi ses composantes phares figure l’emploi, qui doit être l’objectif de toutes les politiques publiques. Pour accélérer la croissance, il ne faut pas perdre de vue les secteurs historiques comme l’agroalimentaire, le textile ou la chimie-parachimie. Pour le parti de la balance, il faut que le Maroc se positionne parmi les market makers dans le secteur des nouvelles technologies. Vient ensuite la promotion de la régionalisation, tout en préservant l’unité du pays. Et bien évidemment les fondamentaux de tout développement à savoir l’éducation, la santé et la confiance des citoyens dans les institutions et dans l’avenir. Maazouz a enchaîné en confirmant qu’il y a une rupture à marquer en matière d’égalité des chances pour libérer les énergies. Pour ce qui est du RNI, une conviction prévaut: les secteurs sociaux marchent moins bien que ceux économiques (Plan Maroc vert, Plan d’accélération industrielle, etc.). À l’instar de l’Istiqlal, le RNI a commencé par prendre le pouls de la population dans les 12 régions afin de «remonter» les besoins. Selon Belkhayat, trois axes ont été définis, à savoir la santé, l’éducation et l’emploi. Cette tournée dans les régions a été qualifiée par d’aucuns de «campagne électorale avant l’heure», mais Belkhayat tient à tracer les limites entre campagne et travail de proximité. Le responsable a saisi l’occasion pour annoncer la volonté de son parti de mettre en place un observatoire des libertés individuelles.